Nous avons réalisé une interview exclusive avec Alicia Liard, coach professionnel et d’équipe chez Metanima, qui nous parle de l’optimisation de la qualité de vie au travail en vue d’augmenter la productivité des collaborateurs.
Résumé
- Les risques psychosociaux, s’ils sont nombreux, sont surtout le facteur même d’un mal-être
- Il est important d’instaurer une communication efficace sur les enjeux, les valeurs, la position économique de l’entreprise
- Les conditions pour être heureux au travail est un cumule de facteurs à tous les niveaux d’une entreprise
- Chaque collaborateur aura des périodes dans sa vie où le besoin d’implication peut se faire un peu plus ressentir dans un domaine de vie que dans un autre
- Nombreuses études notamment l’OMS, la HAS ont publié, avec l’appui de la science, qu’une qualité de vie au travail amplifie la compétitivité, les performances, les compétences, la motivation
Qu’est-ce que le bien-être au travail ?
« Le bien-être au travail est un symptôme positif de l’ensemble des dispositifs qu’une entreprise pourrait mettre en place. Le but étant de limiter l’impact des contraintes sur ses activités.
Aujourd’hui, on parle surtout de risques psychosociaux et de qualité de vie au travail. Les risques psychosociaux, s’ils sont nombreux, sont surtout le facteur même d’un mal-être. La mise en place des ressources pour limiter les risques psychosociaux va générer, par défaut, du bien-être. Il faut savoir que les risques psychosociaux sont des contraintes supplémentaires que les salariés vont devoir absorber et qui ne vont pas être compensées par des ressources. Par exemple, un travail complémentaire sans pour autant ajouter du temps de travail, du matériel ou de la ressource humaine. Cela équivaut à demander plus en n’augmentant pas les ressources qui vont compenser.
La qualité de vie au travail, elle, est un outil qui permet de le faire. On parle plus de qualité de vie car l’aspect n’est plus seulement abordé par la théorie mais est aussi mis en pratique avec des outils qui sont factuels et qui accompagnent les entreprises. Le bien-être au travail existe bel et bien car il est une des résultantes de tout le travail en amont. »
Quelles sont les conditions nécessaires pour être heureux au travail ?
« Il est primordial que l’engagement soit tenu à tous les niveaux de l’entreprise, du dirigeant au salarié en passant par les encadrants. C’est aussi la prise en compte des enjeux personnels du salarié par exemple la parentalité, les problèmes de transport selon les régions, leur implication y compris l’encadrement.
Il est aussi très important d’instaurer une communication efficace sur les enjeux, les valeurs, la position économique de l’entreprise, les tournants qu’elle va aborder, les projets qu’elle peut envisager pour intégrer et favoriser les collaborateurs. C’est aussi la qualité des relations par exemple, la reconnaissance, l’égalité salariale entre les sexes ou l’égalité salariale en fonction des compétences.
La qualité du travail relève d’enjeux, d’intérêt, de communication et d’implication. Il est aussi prépondérant d’avoir une reconnaissance, une écoute, une qualité environnementale ainsi que des formations, des compléments d’expériences avec de nouveaux projets. Les conditions pour être heureux au travail est un cumule de facteurs à tous les niveaux d’une entreprise. C’est donc la possibilité de se développer professionnellement et de pouvoir concilier vie privée et vie professionnelle. »
Selon vous, comment peut-on concilier vie privée et vie professionnelle ?
« C’est une affaire de chacun. C’est aussi la responsabilité que l’on a envers soi-même et qui permet de générer une sorte d’équilibre. Un collaborateur ne peut, au détriment de l’un privilégier l’autre car un désordre peut découler d’une telle décision. Il aura des périodes dans sa vie où le besoin d’implication peut se faire un peu plus ressentir dans un domaine de vie que dans un autre : un évènement familial (un enfant en difficulté, un heureux évènement) ou un enjeu d’entreprise qui s’inscrit dans un nouveau marché. On va donc demander à un collaborateur de s’impliquer davantage sur une période. Tout ceci est ponctuel et la ponctualité dynamise et met en mouvement une personne.
Chaque collaborateur doit aussi faire asseoir ses droits à l’instar des droits d’obligation familiale. C’est aussi la responsabilité de l’entreprise de faire comprendre à chaque collaborateur qu’il a le droit d’avoir une identité en dehors du statut de salarié. C’est quand un individu sait qu’il a le droit d’exister, qu’un facteur de stress est en moins.
De plus, l’ultracompétitivité demande une implication totale et permanente sur une vie personnelle et ne doit pas exercer une trop grande pression. La tension doit être relâchée pour que le collaborateur puisse reprendre le cours de sa vie. C’est en connaissance de cette aptitude que l’employeur ou l’employé abordera toutes les périodes de tension de façon beaucoup plus détendue. Mais tout cela, à l’aide d’une communication adaptée, s’explique et s’accompagne par des outils tels que des calendriers, des timings définis.
Un bon équilibre répulse le mal-être et permet particulièrement de jongler entre vie privée et vie professionnelle. On doit apprendre à rompre avec nos habitudes et ainsi, intégrer dans le schéma de pensée, que le refus n’est pas systématiquement perçu par son employeur ou employé comme étant un désintérêt envers l’entreprise. C’est tout simplement une autre vision des choses – s’ajuster différemment et créer un équilibre dans le temps. »
Comment peut-on parvenir à un développement personnel efficace ?
« Chaque personne a des besoins spécifiques dans chaque domaine de sa vie. Il y a un lien à faire avec la pyramide de Maslow qui traite de l’échellement des besoins. Malgré une volonté individuelle de dissocier vie privée et vie professionnelle, il faut quand même savoir que le cerveau, lui, ne fait aucune distinction. Ainsi, lorsque l’insécurité, qu’elle soit personnelle ou professionnelle intervint, le cerveau ne fait aucune distinction – on va générer en soi le stress de cette insécurité. Se développer professionnellement contribue donc en partie à s’épanouir.
Développer ses compétences, des domaines d’intervention en toute sécurité permettent à tout collaborateur de s’épanouir, de se mettre en énergie et de se dépasser. Il faut profiter de l’effort, savourer le résultat et s’accorder une période de répit.
Le développement personnel n’équivaut pas seulement à une mise en tension provisoire parce qu’il en est moteur mais à long terme il devient un risque majeur d’engendrer des risques psychosociaux. On ne devrait pas avoir à dissocier nos besoins car lorsqu’un besoin n’est pas encore couvert, on ne peut passer au suivant. Cela ne nous permet donc pas de gravir les échelons de la satisfaction dans le but d’atteindre l’épanouissement mais l’épanouissement professionnel en fait bel et bien partie. »
Comment instaurez-vous le bien-être au sein d’une entreprise ?
« Quand on parle de qualité de vie au travail, on fait automatiquement référence au bien-être au travail. Lorsqu’il s’agit de bien-être au travail, on ne peut dissocier salarié et entreprise. Quand on veut instaurer une telle démarche, on doit le faire dans deux niveaux ; c’est un regard qui est indissociable, un point majeur de compréhension, la clé totale d’ailleurs de cette mise en œuvre. Nombreuses études notamment l’OMS, la HAS ont publié, avec l’appui de la science, qu’une qualité de vie au travail amplifie la compétitivité, les performances, les compétences, la motivation. Par voie de conséquence, l’absentéisme et le turn-over se comptent de moins en moins. Il faut comprendre que le bonheur de l’un fait le bonheur de l’autre et qu’il nous faut envisager cette démarche sereinement.
On parvient à instaurer le bien-être au travail par un outil concret et factuel. Tout cela découle du document unique des risques professionnels et des risques psychosociaux. Pendant cette analyse de l’entreprise, il est conseillé d’intégrer les conditions de la qualité de vie au travail. C’est un cahier des charges qui est précis comme un des leviers de ressources et il est important d’impliquer l’ensemble des collaborateurs, les cadres, les salariés, les délégués du personnel etc. Quand on est face aux risques et au bonheur, on est tous égaux. Il s’agit d’une démarche neutre et bienveillante. Pour plus de neutralité, il vaut mieux faire appel à un consultant externe qui, par sa méthode, accompagne les collaborateurs vers l’aboutissement des solutions et la valorisation de l’existant.
En amont, on peut avoir une formation qui permet de comprendre quels sont les risques psychosociaux ou quel domaine cibler pour améliorer la vie au travail. À travers ces formations, le même langage est parlé et les mêmes connaissances et compréhensions du sujet sont imprégnées. Ensuite, une balance est effectuée en faisant référence au cahier des charges.
Pour assurer une bonne qualité de vie au travail, on va insérer des leviers adaptés au statut, à la structure, à la région, en fonction de ce qui est possible de faire. C’est une démarche subtile qui parle de valeurs, de fondamentaux qui peuvent être mesurés par des questionnaires sur la qualité de vie et des outils concrets qui sont développés. Enfin, appartenir à quelque chose est un besoin humain et l’appartenance est essentielle au bon fonctionnement personnel et professionnel. »