C’est l’histoire d’une petite mouche, ou plus exactement d’un sticker de mouche posé dans les urinoirs de l’aéroport de Schiphol à Amsterdam. L’homme, grand chasseur devant l’éternel, parce qu’il visait la mouche, a réduit les éclaboussures permettant ainsi d’atteindre l’objectif de cette démarche qui était de réduire les dépenses de nettoyage. Le petit sticker au milieu de l’urinoir a généré une baisse de 80% de ces dépenses. Succès sur toute la ligne ! Voilà une illustration de ce qu’est le « nudge management » : on n’impose pas mais on essaye de créer une architecture de choix qui encourage, qui facilite l’adoption d’un comportement qu’on considère être bénéfique pour l’individu, la communauté ou l’entreprise.
Qu’est que le nudge management ?
Le nudge est un concept théorisé par deux américains, Richard Thaler, économiste à l’université de Chicago et prix Nobel d’économie en 2017, et Cass Sunstein, professeur à l’université de Harvard, dans leur ouvrage devenu best-seller, Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision (en anglais, Nudge: Improving Decisions about Health, Wealth, and Happiness).
En se fondant sur les sciences comportementales, le Nudge management cherche à concevoir un environnement physique et psychologique et des pratiques qui génèrent structurellement de l’engagement et de l’efficacité chez les collaborateurs pour une meilleure performance collective.
L’incitation douce
Depuis la révolution industrielle, le management est basé sur des facteurs rationnels, sans forcément placer l’être humain au cœur de son fonctionnement (Management Scientifique). Les managers se sont principalement concentrés sur système qui fait appel à la pensée analytique et logique de leurs employés afin de les amener à faire leurs tâches. Le nudge management est directement liée à l’individu et à son processus décisionnel. Au lieu de convaincre rationnellement les employés, les managers peuvent leur donner le choix et les orienter dans la bonne direction. En faisant leurs propres choix, les employés sont plus susceptibles d’accomplir les tâches avec de meilleures performances. La meilleure chose est que le nudge ne demande pas un grand effort de la part des employés pour changer leurs comportements.
Nudge management : comment le mettre en place ?
Même si cette méthode de management peut être mise en place très simplement, elle dépend néanmoins non seulement de l’entreprise mais aussi de la personnalité de chaque collaborateur et des managers. Pour réussir avec ce type de management, le rôle du manager est central. En effet, celui-ci doit adopter une réelle philosophie managériale au quotidien, tout en prenant en compte le fonctionnement de l’entreprise et la personnalité des membres composant son équipe. Par exemple, si des collaborateurs n’ont aucun mal à être force de proposition, d’autres peuvent être davantage sur la réserve. Il est important de connaitre les points forts et les points faibles de chacun, pour pouvoir en faire ressortir le meilleur, les inciter à agir dans la bonne direction et mener à bien les projets. Cette influence ne peut s’exercer qu’après une appréhension de l’environnement professionnel de l’entité, des résultats à atteindre, des risques et des enjeux, mais surtout des comportements. Le manager doit dans ce cadre inspirer la confiance et faire preuve d’un savoir-être irréprochable.
Créer un nudge sur le lieu de travail est relativement simple, flexible, rapide et rentable
Comme le montrent ces exemples, la création d’un nudge sur le lieu de travail est relativement simple, flexible, rapide et rentable par rapport à d’autres mesures de management. Halpern (2015) identifie quatre marqueurs qui définissent un nudge réussi : ils doivent être faciles (atteignables), attrayants (capter l’attention), sociaux (utiliser les réseaux) et atteignables (immédiats).
En effet, ces quatre marqueurs résument très bien les caractéristiques générales des nudges. Les nudges doivent :
- Être faciles à mettre en œuvre
- Susciter l’intérêt
- Être réalisables
- Être subtils
En tant que telles, ce sont d’excellentes méthodes pour aider à favoriser et à améliorer la culture organisationnelle. Pour certains économistes, encourager ce style de management est une « nouvelle opportunité d’améliorer la productivité des travailleurs en se concentrant sur et en affinant le contexte organisationnel qui influence la réflexion rapide pour améliorer l’efficacité et la motivation ».
Quels sont les avantages en entreprise ?
Le nudge management apporte pas mal de bénéfices à l’entreprise, notamment :
- amélioration de l’efficacité
- développement de l’esprit d’équipe et d’appartenance
- réduction du stress lié à la pression managériale
- augmentation de la satisfaction et du bien-être au travail
- amélioration de l’intelligence collective
- mise en route d’un cercle vertueux à différents niveaux (davantage de sens, d’implication, de motivation, etc.)
Quelles en sont les limites ?
L’influence étant un élément central du nudge management. Le but de ce type de gestion est d’empêcher la frustration ou la démotivation chez les collaborateurs, ce qui est plus que louable. Néanmoins, l’une de ses limites se situe dans la pratique effective de cette influence. En effet, le risque pour les managers serait de tomber dans de la manipulation au lien d’inciter ou d’influencer subtilement. Pour ne pas franchir cette limite et puisque l’incitation comporte inévitablement une dimension psychologique, ce dernier doit savoir user de son leadership tout en mesurant ses interventions. Il est judicieux également de savoir dans quelles situations utiliser le nudge management pour qu’il soit réellement efficace.
Quoi qu’il en soit, le nudge management, dont « l’incitation » est le maître mot, suppose d’une part, de l’autonomie et une liberté dans la prise de décision par les équipes, et d’autre part, la maîtrise et la mesure de tout un ensemble de facteurs par le manager.